27/12/2004

Paul Meignen, un anarchiste en selle

Imaginez les coureurs du Tour de France, mais chacun avec un porte‑bagages derrière, et sa femme, un enfant ou un sac à provisions dessus. C’est le sort des motards comme Paul Meignen de Soissons, se trouvant un jour mari et père. « Nous faisions de la moto, mais ma femme Christiane accumulait tant de bagages qu’on est allé acheter un sidecar ». Ignorant les techniques de conduite, ils s’enfoncent dans le premier arbre venu, et rentrent en train.
Paul est né près de Nantes dans une région anciennement bretonne, et il affiche sa fierté de breton sur son sidecar – en breton, bien sûr. Il se dit anarchiste, opposé à toutes les institutions. Est-ce héréditaire ?  « Mon grand-père était garde‑champêtre, habitait au‑dessus de la mairie, et utilisait comme papier toilette les bulletins de vote des perdants aux élections ».  Résultat : « Je n’ai jamais voté ».  Fidèle à ses principes, il a toujours fait le minimum, mais assez pour être reçu au concours des PTT. Après la période obligatoire à Paris, en 1973 il prend une place à Soissons dont personne ne voulait. « J’ai aimé du premier coup, et je ne suis jamais reparti ».
    Il s'occupe de téléalarmes pour les personnes âgées et fragiles, et s’entend bien avec elles, car en 1987 il a un terrible accident en sidecar.  Après quatre mois dans le coma, il s’éveille sans savoir qu’il a femme et enfants, et il reste diminué physiquement. Christiane n’a jamais voulu remonter ; mais Paul garde le sidecar, en souvenir de leurs virées ensemble, et parce qu’il aime l’adresse qu’il faut. « Comme le sidecar fait poids mort, tu accélères pour tourner à droite, le sidecar traîne et aide la manœuvre. Pour tourner à gauche tu freines, et le sidecar entraîne l’attelage vers la gauche.»
Le passager néophyte, à côté de Paul, a la sensation d’être assis sur la chaussée, mais en avançant à la vitesse du son, au point d’en descendre surpris de trouver son fond de pantalon intact.
L’année dernière, Paul a publié un récit de son voyage chez les sidecaristes japonais, « Popaul au pays du soleil levant » , un torrent de mots, d’informations et d’anecdotes, dont le lecteur émerge commotionné mais avec une forte sympathie pour l’auteur.
Paul illustre la légende qui veut que le milieu moto soit solidaire, généreux, et indécrottablement masculin. L’ajout d’un sidecar n’en change que les obligations. Les femmes sont incomparablement délicieuses – elles vous donnent même des enfants – mais quand il est temps de larguer les amarres, il faut caser tout ça pour le grand voyage.
     En 1997 Paul lance le premier « Jumbo run » dans le Soissonnais, qui consiste à accompagner des personnes handicapées pour voir du pays. « J’aime rouler » dit-il. Voilà le secret. Un automobiliste roule vite pour arriver, un motard roule vite pour aller plus loin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires seront vus avant d'être affichés.