Ingeborg
Kleijnjan et Zwier Regelink ont une petite maison, posée presque périlleusement
au bord d’une vallée à Maubrun, près d’Ambleny. Rien de surprenant à ce qu’une
architecte et un consultant en gestion retraité, tous deux néerlandais, vivant
dans un grand appartement à Amsterdam (« Il fallait bien faire rentrer
le piano à queue ») entouré d’eau, achètent une maison de vacances en
France, pays des prix immobiliers raisonnables et de la douceur de vie.
Mais au
lieu de consacrer chaque visite (une grande semaine par mois) à retaper leur
bien, Ingeborg et Zwier ont d’autres priorités. Dès leur arrivée en 2001, ils
se mettent à la recherche d’occasions de faire de la musique, lui à l’alto,
elle au violon. Une jeune femme portant un violon, interrogée dans le train de
Paris, les met sur la piste des musiciens locaux, dont Thierry Arnould et
Edwige Adam, avec lesquels ils commencent à jouer la musique de chambre pour
cordes et piano. Ils font leur entrée au Cercle Musical, et le groupe folk
Calembredaine, dont la convivialité est le fonds de commerce, les accueille
« comme une grande famille ».
Chacun est né dans une famille musicale, sauf que les
Kleijnjan, membres d’une église protestante austère, interdisaient le piano, trop
frivole, à la mère d’Ingeborg. « Mais j’avais une grande tante rebelle
et violoniste. ». Elle apprend la flûte à bec, puis le violon. La mère
de Zwier Regelink pouvait, en rentrant d’un concert, « rejouer le gros
du programme pour nous au piano ». Un oncle, violoniste, est tué à la
guerre par les Allemands. « Quand à sept ans j’ai décidé d’apprendre le
violon, c’était le bonheur dans la famille. ». Plus tard il adopte
l’alto.
Zwier parle avec l’aisance et le plaisir d’un homme dont
la parole a fait partie du métier. Ingeborg est plus économe dans ses
expressions. « Je cherchais la simplicité » elle dit, pour
expliquer leur mode de vie. Ils ont entrepris quelques travaux dans leur
maison, mais l’aménagement est subordonné aux plaisirs de la musique.
Ingeborg travaille en indépendante (« une femme‑orchestre »
dit son mari), concevant des intérieurs de bibliothèque et la rénovation
d’écoles aux Pays Bas, et elle donne un coup de main en amie pour la sauvegarde
du donjon d’Ambleny. L’idée de créer un petit vignoble dans le jardin ne
résiste pas à la labyrinthique réglementation sur la viticulture. Ils restent
sereins et amusés : « La bureaucratie française n’est pas pire
qu’aux Pays Bas, mais là nous savons ce que dit le vent, comme on dit. »
Il insiste : « Nous sommes reçus ici en invités. Je n’oublie
jamais cela. »
Le langage universel que parlent avec éloquence ces deux
Néerlandais, et qu’ils partagent avec les autres musiciens, n’est pas tant la
musique en soi que la joie de faire de la musique ensemble.
L’Union
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