16/03/2005

Ingeborg, Zwier et la musique de fond



Ingeborg Kleijnjan et Zwier Regelink ont une petite maison, posée presque périlleusement au bord d’une vallée à Maubrun, près d’Ambleny. Rien de surprenant à ce qu’une architecte et un consultant en gestion retraité, tous deux néerlandais, vivant dans un grand appartement à Amsterdam (« Il fallait bien faire rentrer le piano à queue ») entouré d’eau, achètent une maison de vacances en France, pays des prix immobiliers raisonnables et de la douceur de vie.
Mais au lieu de consacrer chaque visite (une grande semaine par mois) à retaper leur bien, Ingeborg et Zwier ont d’autres priorités. Dès leur arrivée en 2001, ils se mettent à la recherche d’occasions de faire de la musique, lui à l’alto, elle au violon. Une jeune femme portant un violon, interrogée dans le train de Paris, les met sur la piste des musiciens locaux, dont Thierry Arnould et Edwige Adam, avec lesquels ils commencent à jouer la musique de chambre pour cordes et piano. Ils font leur entrée au Cercle Musical, et le groupe folk Calembredaine, dont la convivialité est le fonds de commerce, les accueille « comme une grande famille ».
Chacun est né dans une famille musicale, sauf que les Kleijnjan, membres d’une église protestante austère, interdisaient le piano, trop frivole, à la mère d’Ingeborg. « Mais j’avais une grande tante rebelle et violoniste. ». Elle apprend la flûte à bec, puis le violon. La mère de Zwier Regelink pouvait, en rentrant d’un concert, « rejouer le gros du programme pour nous au piano ». Un oncle, violoniste, est tué à la guerre par les Allemands. « Quand à sept ans j’ai décidé d’apprendre le violon, c’était le bonheur dans la famille. ». Plus tard il adopte l’alto.
Zwier parle avec l’aisance et le plaisir d’un homme dont la parole a fait partie du métier. Ingeborg est plus économe dans ses expressions. « Je cherchais la simplicité » elle dit, pour expliquer leur mode de vie. Ils ont entrepris quelques travaux dans leur maison, mais l’aménagement est subordonné aux plaisirs de la musique.
Ingeborg travaille en indépendante (« une femme‑orchestre » dit son mari), concevant des intérieurs de bibliothèque et la rénovation d’écoles aux Pays Bas, et elle donne un coup de main en amie pour la sauvegarde du donjon d’Ambleny. L’idée de créer un petit vignoble dans le jardin ne résiste pas à la labyrinthique réglementation sur la viticulture. Ils restent sereins et amusés : « La bureaucratie française n’est pas pire qu’aux Pays Bas, mais là nous savons ce que dit le vent, comme on dit. » Il insiste : « Nous sommes reçus ici en invités. Je n’oublie jamais cela. »
Le langage universel que parlent avec éloquence ces deux Néerlandais, et qu’ils partagent avec les autres musiciens, n’est pas tant la musique en soi que la joie de faire de la musique ensemble.
L’Union

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