Avec sa
trentaine de chats, la maisonnée Duverdier à Lesges fait penser à une
communauté hippie, par le nombre des résidents, leurs robes bariolées, leur
façon de traiter toute la maison en espace commun – et d’extérioriser leurs
sentiments. Les miaulements sont impératifs, les mouvements d’humeur brusques.
Un genou est libre ? Et hop ! il y a deux candidats pour s’y lover en
ronronnant.
Plutôt que
de diriger, Isabelle Duverdier accompagne ce monde. Des heures de ménage chaque
soir évitent les miasmes que génère la promiscuité animale. Son mari Arnaud
veille à la discipline : « Aux repas ils ne montent pas sur la
table, alors que seuls avec moi ils profitent. »
Enfant,
l’imagination allumée par un stage d’archéologie en collège, Isabelle voulait
être égyptologue. Elle est sagement devenue technicienne bactériologique au
Laboratoire d’Hydrologie.
« Mes
parents n’avaient que des chiens. Mais partie à Amiens et Beauvais pour mes
études supérieures, j’ai trouvé une logeuse qui aimait les chats. Ah,
bonheur ! » Son long amour prend forme. « Ils me
reposent, sont délicats, indépendants mais en même temps proches ;
intuition, générosité. ».
Elle
devient bénévole au refuge de Fontenoy, et rentre chaque soir en pleurant. Son
projet mûrit. Le moment est venu d’agir. En octobre 2003, avec son mari et
Virginie Guillemant, autre bénévole, elle fonde « Au bonheur des
chats », pour accueillir les chats de personnes âgées, parties en maison
de retraite ou décédées, et pour agir en amont de la détresse, en stérilisant
et soignant les chats errants. Les limites qu’elle met à ses actions restent
élastiques, cédant souvent devant son souci de secourir les chats. Le téléphone
sonne continuellement.
L’association
est financée par les adhérents et parrains, et par des dons, mais le couple
Duverdier dépense beaucoup pour la garder à flot.
Isabelle prend plaisir à raconter chaque chat, ses
aventures, misères et traits de caractère. Mais à trente-sept ans elle n’entend
pas vieillir entourée de chats « pour
ne pas les laisser abandonnés quand je ne serai plus là ».
La
protection animale peut cacher, derrière un dévouement féroce aux bêtes, une
déception avec la race humaine. Isabelle Duverdier n’est pas comme ça. « J’aime
beaucoup les humains aussi. » Loin d’un rétrécissement, ses priorités
lui apportent un épanouissement. Les chats colorent sa vision du monde, mais
son regard est exact, généreux, énergique. L’engagement lui donne le courage
d’affronter des situations, des dangers (errer dans Soissons pour sauver des
chats menacés). Elle fonde une philosophie de vie sur l’amour des chats – quel
meilleur modèle du philosophe, d’ailleurs, qu’un chat assis, toutes pattes
rentrées, le regard fixé sur l’horizon, ou au‑delà ?
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