En 1994, alors que la troupe de
ballet du Capitole de Toulouse se limite à danser dans les productions d’opéra
et d’opérette au Théâtre, Nanette Glushak est nommée directrice de la danse. La
reconquête commence. La compagnie maintenant estimée vient terminer, au Centre
Culturel de Soissons, sa tournée à travers la France.
Le programme
comprend trois ballets. Dans le premier, « Sinfonietta » de Jiri
Kylian, la musique de Janacek anime un déploiement d’énergie tonique comme une
séance d’aérobic. Le troisième, « Brel » de Ben Cauwenbergh, utilise
les danseurs pour accompagner des chansons de Jacques Brel, en illustrant ses
paroles. Raconter une histoire, traduire des émotions, le ballet classique a
toujours su le faire.
Mais entre
les deux, au cœur de la soirée, « Apollon Musagète » donne une autre
vision. Dans cette œuvre de 1928, composée par Igor Stravinsky, le chorégraphe
George Balanchine avait fondé son style, fuyant le spectaculaire, cherchant la
clarté, la retenue, et dépouillant le ballet classique de son côté anecdotique.
La danse selon Balanchine ne traduit pas les émotions, elle est l’émotion.
Nanette Glushak, son élève, et qui a dansé dans « Apollon » en 1973
avec Barychnikov, veille sur ce style néo‑classique. Dans une figure célèbre
les Muses, appuyées au dos d’Apollon, déploient leurs jambes en arabesque,
rayons du soleil levant. Il ne s’agit plus d’illustration, mais d’une icône.
Apollon (Breno Bittencourt) naît, se défait de ses
emmaillotements et, impérieux, somme trois Muses (Maria Gutierrez, Magali
Guerry et Lucielle Robert) d’assumer leur tâche d’inspiration des artistes. Le
ballet annonce le tournant par lequel l’idéal de beauté devient accessible à
l’homme (rappelant cette autre intervention révolutionnaire d’Apollon dans la
sanglante vendetta des Atréides pour remplacer la vengeance divine par la
notion de justice humaine).
Rien n’est raconté, tout est dansé, donnant aux
spectateurs l’occasion, non pas de suivre une histoire mais d’assister à un
mystère. C’est un temps de grâce ; puis le rideau tombe. Le jeune homme
affable, souriant au fond du minibus qui emmène les danseurs sur le chemin du
retour chez eux, et qui a été, une heure plus tôt, Apollon, dieu de la Beauté,
du Soleil et des Arts, corps insolent illuminant la scène, représente le défi
apollinien : viser le sublime avec des moyens humains.
L'Union
Leur tournée terminée, un minibus emmène les danseurs sur le chemin
de retour (à gauche Breno Bittencourt et Maria Guttierez).
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