14/04/2005

Le Ballet du Capitole au Centre Culturel

En 1994, alors que la troupe de ballet du Capitole de Toulouse se limite à danser dans les productions d’opéra et d’opérette au Théâtre, Nanette Glushak est nommée directrice de la danse. La reconquête commence. La compagnie maintenant estimée vient terminer, au Centre Culturel de Soissons, sa tournée à travers la France.
Le programme comprend trois ballets. Dans le premier, « Sinfonietta » de Jiri Kylian, la musique de Janacek anime un déploiement d’énergie tonique comme une séance d’aérobic. Le troisième, « Brel » de Ben Cauwenbergh, utilise les danseurs pour accompagner des chansons de Jacques Brel, en illustrant ses paroles. Raconter une histoire, traduire des émotions, le ballet classique a toujours su le faire.
Mais entre les deux, au cœur de la soirée, « Apollon Musagète » donne une autre vision. Dans cette œuvre de 1928, composée par Igor Stravinsky, le chorégraphe George Balanchine avait fondé son style, fuyant le spectaculaire, cherchant la clarté, la retenue, et dépouillant le ballet classique de son côté anecdotique. La danse selon Balanchine ne traduit pas les émotions, elle est l’émotion. Nanette Glushak, son élève, et qui a dansé dans « Apollon » en 1973 avec Barychnikov, veille sur ce style néo‑classique. Dans une figure célèbre les Muses, appuyées au dos d’Apollon, déploient leurs jambes en arabesque, rayons du soleil levant. Il ne s’agit plus d’illustration, mais d’une icône.
Apollon (Breno Bittencourt) naît, se défait de ses emmaillotements et, impérieux, somme trois Muses (Maria Gutierrez, Magali Guerry et Lucielle Robert) d’assumer leur tâche d’inspiration des artistes. Le ballet annonce le tournant par lequel l’idéal de beauté devient accessible à l’homme (rappelant cette autre intervention révolutionnaire d’Apollon dans la sanglante vendetta des Atréides pour remplacer la vengeance divine par la notion de justice humaine).
Rien n’est raconté, tout est dansé, donnant aux spectateurs l’occasion, non pas de suivre une histoire mais d’assister à un mystère. C’est un temps de grâce ; puis le rideau tombe. Le jeune homme affable, souriant au fond du minibus qui emmène les danseurs sur le chemin du retour chez eux, et qui a été, une heure plus tôt, Apollon, dieu de la Beauté, du Soleil et des Arts, corps insolent illuminant la scène, représente le défi apollinien : viser le sublime avec des moyens humains.
L'Union








Leur tournée terminée, un minibus emmène les danseurs sur le chemin de retour (à gauche Breno Bittencourt et Maria Guttierez).

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