La
chapelle Saint Charles peut prendre un air de salon de musique sous une lumière
chaleureuse qui fait briller ses dorures. Mais un éclairage moins accueillant
évoque plutôt un intérieur bourgeois, laid, sans âme, qui convient à la « Lettre
au père » de Franz Kafka, adaptée pour la scène et jouée par Philippe
Labonne, du Théâtre de la Passerelle à Limoges.
Le comédien perçoit cette lettre comme « un texte
fondateur ». En revenant sur ses relations avec ce père injuste, mesquin,
autoritaire, qui occupait l’espace dont son fils avait besoin pour grandir,
elle déterre les racines du mal‑être de Kafka.
Les œuvres de Kafka décrivent un monde incompréhensible,
auquel toute la lucidité de l’homme ne l’aide pas à faire face. Se trouver un matin
devenu cafard, rejeté et mutilé par ses proches, et n’y pouvoir rien, c’est la
situation de Gregor dans « Métamorphose ». L’humiliation de Kafka par
son père, le mépris pour ses choix sentimentaux, les privilèges que son père
s’arrogeait en les refusant aux autres membres de la famille : Kafka ne
surmontera jamais ces abus, qui déterminent sa vision d’une société implacable
et capricieuse. Le supplice de l’enfance se prolonge jusqu’à la mort.
Philippe Labonne montre Kafka miné par la maladie,
lançant ses reproches. Il ajoute la brutalité théâtrale ; le texte,
cependant, n’est pas moins intense sur la page. Cette adaptation y renvoie le
spectateur.
L’élément le plus « kafkaïen » de l’histoire de
cette lettre est que le père auquel elle était destinée ne l’a jamais lue.
L’Union
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