26/05/2005

Kafka à Saint Charles

La chapelle Saint Charles peut prendre un air de salon de musique sous une lumière chaleureuse qui fait briller ses dorures. Mais un éclairage moins accueillant évoque plutôt un intérieur bourgeois, laid, sans âme, qui convient à la « Lettre au père » de Franz Kafka, adaptée pour la scène et jouée par Philippe Labonne, du Théâtre de la Passerelle à Limoges.
Le comédien perçoit cette lettre comme « un texte fondateur ». En revenant sur ses relations avec ce père injuste, mesquin, autoritaire, qui occupait l’espace dont son fils avait besoin pour grandir, elle déterre les racines du mal‑être de Kafka.
Les œuvres de Kafka décrivent un monde incompréhensible, auquel toute la lucidité de l’homme ne l’aide pas à faire face. Se trouver un matin devenu cafard, rejeté et mutilé par ses proches, et n’y pouvoir rien, c’est la situation de Gregor dans « Métamorphose ». L’humiliation de Kafka par son père, le mépris pour ses choix sentimentaux, les privilèges que son père s’arrogeait en les refusant aux autres membres de la famille : Kafka ne surmontera jamais ces abus, qui déterminent sa vision d’une société implacable et capricieuse. Le supplice de l’enfance se prolonge jusqu’à la mort.
Philippe Labonne montre Kafka miné par la maladie, lançant ses reproches. Il ajoute la brutalité théâtrale ; le texte, cependant, n’est pas moins intense sur la page. Cette adaptation y renvoie le spectateur.
L’élément le plus « kafkaïen » de l’histoire de cette lettre est que le père auquel elle était destinée ne l’a jamais lue.
L’Union

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