Pas à pas, la chapelle Saint Charles
à Soissons retrouve ses splendeurs dorées, sous l’impulsion de l’Association de
sauvegarde. Mlle Marcelle Bondois, professeur en retraite, est devenue vice‑présidente
par amitié pour la présidente, une ancienne élève. « Je lui sers de
témoin pour valider ses démarches. » Elle se souvient qu’un acteur des
années 50 a lu des textes dans la chapelle, devenue ensuite débarras, puis
vidée et nettoyée pour abriter des concerts, fermée pour des raisons de
sécurité, et actuellement réhabilitée par la Ville.
Le
professorat est une tradition familiale, avec quelques exceptions : son
arrière grand’mère était comédienne à la Comédie Française, et son père
archiviste palæographe
à la Bibliothèque Nationale. « Je voulais être médecin, mais avec son
travail crève‑la‑faim mon père ne pouvait pas m’acheter un cabinet. Je suis
devenue professeur de biologie. »
Lycéenne
avant la guerre dans le quartier israélite de Paris, elle est consciente du
sort de ses camarades juives pendant l’Occupation. Son père, son frère sont
arrêtés, ses parents cachent un aviateur anglais, sa faculté est fermée.
« Les derniers jours de la guerre ont été très durs. » Elle
voit deux jeunes résistants, puis trois ouvriers algériens abattus devant sa
fenêtre près de la Bastille.
Nommée au
Collège de Jeunes Filles à Soissons en 1945 avec l’équivalent du Capes, elle
devient agrégée en cours de carrière. « Soissons est près de Paris, mes
collègues étaient charmantes, sont devenues mes amies, et je n’ai jamais
demandé ma mutation. » Obligée par la crise du logement de prendre une
chambre meublée dans la rue Saint Martin, elle y reste dix‑sept ans. La
retraite vient en 1980 « avant que le métier d’enseignant ne devienne
si difficile ».
Rester célibataire fait‑il
partie de sa vocation enseignante ? « Pas du tout. J’aime les
enfants, et je regrette beaucoup ne pas en avoir. Mais ça s’est fait comme ça.
J’avais vingt ans en ’41. »
Pas sûre
que parler d’elle‑même servira la cause, elle se prête néanmoins au jeu avec
une foule de souvenirs, d’aperçus, d’analyses de la vie soissonnaise et ses
changements, de la formalité qui permettait autrefois de doser l’intimité. Ce
n’est qu’après vingt ans de travail ensemble et des vacances communes qu’elle
appelle une amie par son prénom. Elle ne tient pas à voir le sien titré dans le
journal. « Je serais très contrariée. » Quant au tutoiement…
Converser avec Mlle Bondois, c’est sentir les horizons s’éloigner. Elle
tient sa mémoire avec une main ferme, et critique sans jamais se lamenter.
C’est un témoin amical du passé. Comme la chapelle pour laquelle elle œuvre,
elle montre comment le passage du temps enrichit notre présent.
L'Union
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