25/07/2005

Saskia en haut d’un gratte ciel du Moyen Age


Avec d’infinies précautions, Saskia Chaskelson passe commande au café de la rue Saint Martin. « Je voudrais un chocolat chaud ; il voudrait un petit café ; elle voudrait un petit crème. » Elle souffle, comme si elle avait joué une fugue de Bach sans faute.
Saskia a seize ans, et elle habite près de Sullivan dans le Missouri, aux Etats-Unis. Elle est venue souvent en Europe mais, pour la première fois, elle voyage sans ses parents, relayés par des tantes et oncles, qui prennent leur voiture pour passer le témoin (alors que chez elle, elle conduit déjà pour aller à l’école). Cette première tournée en solo prend fin dans le Soissonnais.
Elle constate le nombre de cafés à Soissons. « Pour boire un café à Sullivan, il faut aller chez MacDonald ou à la cafétéria du supermarché. ». A la cathédrale, elle vérifie que c’est une église catholique. Sullivan, avec moins de sept mille habitants, en possède vingt‑neuf, deux catholiques et vingt‑sept protestantes, différenciées surtout par leur rigueur sur des questions morales. Le père de Saskia est juif. « Je dis que je suis juive, et je détaille ensuite. »
De l’Union elle demande « C’est libéral ou conservateur ? ». Elle parle peu de Bush et de l’Irak, mais se plaint de sa frustration à devoir défendre les idées pacifistes et « Démocrates » dans son école à majorité belliqueuse et « Républicaine ». « Mais j’ai des copines Républicaines. » Elle est contente de ne pas être immédiatement identifiée en Europe comme américaine. « Que les gens parlent de « stupides Américains », ça m’est égal ; mais si l’on me dit « stupide Américaine ! » je n’aime pas. »
Quelle expérience plus adéquate pour un visiteur venu du Nouveau Monde que l’ascension du gratte‑ciel de Soissons, c'est-à-dire la tour de la cathédrale ? Ce qui a poussé les hommes à monter vers leur Dieu, tout comme ce qui fait empiler des bureaux, c'est de vouloir faire la démonstration que l’être humain, coincé à moins de deux mètres de la terre par sa taille, peut laisser sa marque sur le ciel. Saskia montre une alternance de curiosité et d’indifférence, prêtant une oreille à la traduction de bribes du discours étoffé de la guide, plus attentive aux particularités des autres visiteurs. Photographiée, elle dit « Je ne suis pas photogénique. » Il suffit de lui rappeler qu’elle est donc plus jolie en vrai qu’en photo.
Sans aimer la chaleur, elle n’est pas incommodée par celle de Soissons, et au plan d’eau de Fère en Tardenois elle trouve le lac trop froid pour la baignade. Le climat du Missouri est plus extrême. « J’ai peur quand il y a des tornades. »
C’est mieux de voyager avec ou sans ses parents ? « J’aime les deux » dit‑elle, consciente que cette relative liberté la met en première ligne, hors de la tranchée parentale à la fois contraignante et protectrice. C’est tout un apprentissage.
L’Union

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