02/08/2005

Kasper et Maya Voerman voyagent chez eux

Une Bible épaisse, à reliure bleue et blanche, prend sa place au milieu des étagères près de la table. Un livre d’hymnes et de psaumes est ouvert sur un grand harmonium. A la télévision, le programme est néerlandais. C’est une pièce qui, par son confort et sa sobriété, se relie aux intérieurs vus dans les tableaux des peintres des Pays Bas, sauf que, au lieu de voir un jardinet ou une rue à travers les fenêtres, il y a l’Aisne qui coule autour.
Meneer (Monsieur) et Mevrouw (Madame) Voerman, Kasper et Maya, se déplacent sur une péniche de 25 mètres de long, amarrée depuis quelques jours à Soissons. Ce sont des mariniers, maintenant en retraite, mais qui n’ont pas cessé de voyager pour autant. Maya est même née sur une péniche, alors que la mère de Kasper avait débarqué à temps chez ses parents.
Ils visitent Soissons pour la troisième fois, pour s’y approvisionner, et parce qu’ils trouvent les alentours « prettig », c'est-à-dire « agréables ». La prochaine escale sera Compiègne, puis ils rentreront chez eux par la Belgique. Autrefois ils sont allés jusqu’à Prague, et ont même atteint la Méditerranée. Leur voiture est garée sur le pont avant, pour des virées occasionnelles à terre. « En hiver nous nous fixons à Zwartsluis, près de Zwolle aux Pays Bas, mais nous habitons toujours la péniche. »
Converser avec eux est laborieux, car ils ne parlent que le néerlandais. Mais ils n’ont aucune réticence à communiquer franchement, sans emphase, sans s’exciter. Après tout, ne vivent‑ils pas depuis toujours dans le mouvement lent des grandes voies d’eau d’Europe, qu’ils descendent ou remontent dans le respect des courants ? Ils en ont acquis une sérénité à l’épreuve des énervements du quotidien.
 « Nous sommes protestants. » dit Maya. Aux Pays Bas, le protestantisme, religion majoritaire, implique une attention soutenue aux préceptes bibliques, une préoccupation avec les questions morales. Chacun doit assumer la responsabilité de sa relation avec Dieu, sans intermédiaire. Cela crée au mieux un comportement marqué d’une grande droiture, au pire une rigidité d’esprit. « Nous appartenons à la plus sévère des deux églises réformées, la « Gereformeerde ». Le sourire de Maya en l’admettant n’a pourtant rien d’austère.
 « Immanuel » veut dire « Dieu auprès de nous ». C’est le nom gravé sur l’avant de la péniche. « J’ai eu neuf bateaux, et tous ont porté le même nom. » explique Kasper.
Ce qui rendrait jaloux les vacanciers s’arrachant les bras à traîner leurs valises, qui dorment mal sur un matelas trop mou ou trop dur, à qui il manque les petits conforts de leur maison, c’est que Kasper et Maya Voerman voyagent pendant des mois sans avoir à partir de chez eux. Ils lâchent les amarres, et leur maison sur l’eau les accompagne jusqu’à dans les contrées les plus étranges.
L’Union

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