Sur un fond de nappe à carreaux, l’exposition « Ecrits
croquants » à la bibliothèque de Soissons joint des textes et recettes
retrouvés chez les auteurs, de Huysmans à Bourvil, à de grandes photos de
fruits et légumes.
Une vinaigrette brille comme des larmes sur des
feuilles de salade, un poireau fendu s’enroule en langue de caméléon, un kiwi
décapité se surprend à être dans un coquetier. Les images sont de Marie‑Thérèse
Lefèvre, photographe de Caen. Certaines sont des commandes, tel le bol de
haricots, hommage à la légumineuse d’actualité à Soissons. Pas d’inox, aucune
barquette en plastique : la cuisine de grand’mère est sacrée.
Le choix des textes est celui
d’au moins un comité ? Non, Anne‑Marie Natanson, conservateur en chef, est
allée seule les chercher sur les rayons, d’après des échos enregistrés dans sa
mémoire, comme sur un disque dur, pendant sa longue intimité avec les livres.
Il y a l’obligée madeleine qui,
trempée par Proust dans une tisane, éveille en lui un souvenir si incandescent
du passé qu’il écrit sept tomes pour le faire renaître. Plus espiègle, la
recette de Topor pour « Maman aux roses blanches » commence
« Embrassez Maman sur les deux joues puis coupez‑la en deux » et finit
« Mettez quelques roses blanches sous l’assiette : Maman les aimait
tant ».
Dans « Poisson au coup de pied »,
Colette pose un texte d’une souplesse à faire croire qu’il a été gribouillé sur
un bout de papier. Mais la désinvolture masque sa densité, une exactitude, un
amour de chaque mot. Le coup de pied ? C’est celui donné au feu de bois
pour découvrir la braise dans laquelle le poisson cuira.
La nourriture est un sujet autour duquel les
écrivains français se fédèrent. Pas seulement les auteurs, d’ailleurs :
les étrangers s’amusent à entendre les Français à table tant parler d’autres
repas, d’autres plats. Croquant au présent, ils veulent croquer aussi au passé.
L'Union
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