Jean-Jacques Lagane prend ses claquettes en main |
Dès qu’il a pu s’assumer, Jean‑Jacques Lagane est devenu
danseur. « On est pris en charge par les parents, l’école, l’armée, le
métier. » Alors c’est à la retraite qu’il a pu entrer dans la danse.
Jean‑Jacques naît dans un bourg du
Sud‑Ouest – sans que ces origines s’entendent dans sa voix. Son père est
coiffeur, sa mère couturière. Les études le mènent à Toulouse, puis à une Ecole
des Mines à Saint Etienne. Les accords d’Evian arrivent à temps pour lui éviter le service militaire en
Algérie. « J’ai grandi près d’un pont, d’une rivière. Puis je me suis
retrouvé dans le milieu des mines. » Habité par le souvenir d’enfance,
il opte pour les travaux publics, et calcule et réalise des ponts d’autoroutes,
du TGV.
A un bal parisien il rencontre
Monique, artisane‑bijoutière, originaire de Mercin et Vaux. Ils vivent en couple, sans mariage. « Peut‑être par peur de m’engager » dit‑il. C’est déjà
une danse : deux appartements, distance et proximité, indépendance et
partage, éloignement et intimité. Quand son entreprise dépose le bilan Jean‑Jacques
rejoint Monique à Soissons, et se lance dans la vente, puis la réalisation de
bijoux avec elle. Il prend goût à l’artisanat – « qui n’est pas de
l’art : le bijou est un vêtement ». Il redevient ingénieur
jusqu’à la retraite. A présent, dans un grand jardin à Mercin et Vaux, le
couple vit dans une maison moderne, en demi‑étages et aux plafonds inclinés.
L’appartement de Jean‑Jacques ajoute Paris à leur périmètre.
Les envies réprimées par sa carrière
font surface. Le corps réclame son dû. S’étant vite ennuyé dans la salle de
gym, il apprend la respiration et la posture par le yoga, puis avec des amis à
Paris découvre la salsa. « Je retournais à l’école. » A
l’association Habanera de Soissons il apprend les danses de salon, et les
claquettes au groupe Sing Sing,. « Son côté cérébral est un défi. Et le
bruit sanctionne toute faute. »
Jean‑Jacques reconnaît être un
débutant. « Nous ne pouvons guère pratiquer les « questions et
réponses », c’est à dire une conversation dansée où chacun rivalise
pour épater.
L’aspect macho de la danse lui
convient. Dans la salsa, explique‑t‑il, l’homme peut commencer à faire tourner
la femme dans un sens, puis soudain dans l’autre. C’est une exutoire
inoffensive pour l’envie masculine de dominer, comme le sport l’est pour
l’agressivité.
Joie, plaisir : « C’est
comme une drogue, la danse. Parfois difficile pour l’entourage. » Il
regarde Monique.
Danseur, Jean‑Jacques regarde où il
met les pieds. Alors qu’il a préparé des notes, l’entretien l’oblige à
improviser. Un peu dérouté, il le fait néanmoins avec exactitude et grâce. La
danse, comme les ponts, sert la rencontre, la communication. Après tout, sur un
pont célèbre l’on y danse, l’on y danse.
L’Union
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