« En
Afrique, la danse ce n’est pas pour faire beau, c’est pour entrer en communion
avec les esprits. »
Le village de Vauxtin descend le long d’un grand virage,
les maisons d’un côté, une vallée de l’autre, bouchée ce jour‑là par le
brouillard. L’intérieur de la maison de Corinne Souagnon a l’air d’autant plus
festif, tout en blancheur, meubles de bois exotique, plantes vertes. C’est une
grange transformée par Corinne et son compagnon.
Elle est née à Abidjan, en Côte d’Ivoire, d’un père
appartenant aux Bakoué, un des multiples groupes ethniques ivoiriens, et d’une
mère rémoise. « Blanche » précise Corinne, qui parle des peaux
‑ « plus claire que moi » ou « noire, noire »
‑ aussi naturellement que si elle parlait de couleurs de cheveux. « Mon
père avait plusieurs femmes, dont deux blanches. » Elle a un sourire
compréhensif, ni fier, ni gêné. « Nous étions vingt-et-un frères et
sœurs. »
L’école l’intéresse peu. « Les danses
bouillonnaient en moi. » Danser fait partie de la respiration du pays :
tout se danse. « Les tam‑tam annoncent une naissance, les gens viennent
danser pour le bébé. »
Anxieuse pour son retard scolaire, sa mère l’envoie en
France, à une école dans le Lot fréquentée par beaucoup d’ivoiriennes.
Incertaine de sa voie future, elle part au Maroc retrouver
une copine. « J’y ai reconnu l’Afrique. » Mais qu’ont en
commun le Maghreb et l’Afrique noire ? « Les traditions, les
couleurs, les odeurs, être près de la terre, la danse – j’en ai échangé avec
les femmes. J’avais la même couleur. L’accueil autour de la nourriture. »
‑ d’ailleurs, le café qu’elle sert est entouré de sucettes en sucre, de
confiseries de céréales.
Rentrée en France, elle va à un mariage à Reims. « J’ai
rencontré mon mec, frère de la mariée. Nos mères, amies de jeunesse, avaient
rêvé que leurs futurs enfants se marieraient. » C’est Jean‑François,
père de leurs deux enfants.
Ils repartent au Maroc, à cinq dans une deux‑chevaux.
« Pendant un an, nous étions un peu parasites. » Jean‑François
devient représentant. « Un tout petit salaire, mais nous pouvions vivre
royalement. »
Ils rentrent à Paris pour son travail. Corinne va aux
ateliers de danse africaine, dont ceux du célèbre Guem, « marocain
noir, descendant d’esclaves nigériens ».
En 1992 ils louent puis achètent la maison à Vauxtin.
Corinne fait de la danse avec les handicapés des Papillons Blancs. Elle
intervient un peu partout, puis fond Lez’Arts d’Aisne.
« Je veux
faire connaître la culture africaine, dont la danse, avec sa musique qui rythme le cœur, et permet de décoller de son corps. »
Elle l’adapte au contexte. « Mes élèves ne seront
pas des danseuses africaines, elles en apprennent le langage. » La
danse en Afrique, et la danse africaine, sont deux choses.
L’Union
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