07/12/2005

Corinne Souagnon : « La danse africaine rythme le cœur »

« En Afrique, la danse ce n’est pas pour faire beau, c’est pour entrer en communion avec les esprits. »
Le village de Vauxtin descend le long d’un grand virage, les maisons d’un côté, une vallée de l’autre, bouchée ce jour‑là par le brouillard. L’intérieur de la maison de Corinne Souagnon a l’air d’autant plus festif, tout en blancheur, meubles de bois exotique, plantes vertes. C’est une grange transformée par Corinne et son compagnon.
Elle est née à Abidjan, en Côte d’Ivoire, d’un père appartenant aux Bakoué, un des multiples groupes ethniques ivoiriens, et d’une mère rémoise. « Blanche » précise Corinne, qui parle des peaux ‑ « plus claire que moi » ou « noire, noire » ‑ aussi naturellement que si elle parlait de couleurs de cheveux. « Mon père avait plusieurs femmes, dont deux blanches. » Elle a un sourire compréhensif, ni fier, ni gêné. « Nous étions vingt-et-un frères et sœurs. »
L’école l’intéresse peu. « Les danses bouillonnaient en moi. » Danser fait partie de la respiration du pays : tout se danse. « Les tam‑tam annoncent une naissance, les gens viennent danser pour le bébé. »
Anxieuse pour son retard scolaire, sa mère l’envoie en France, à une école dans le Lot fréquentée par beaucoup d’ivoiriennes.
Incertaine de sa voie future, elle part au Maroc retrouver une copine. « J’y ai reconnu l’Afrique. » Mais qu’ont en commun le Maghreb et l’Afrique noire ? « Les traditions, les couleurs, les odeurs, être près de la terre, la danse – j’en ai échangé avec les femmes. J’avais la même couleur. L’accueil autour de la nourriture. » ‑ d’ailleurs, le café qu’elle sert est entouré de sucettes en sucre, de confiseries de céréales.
Rentrée en France, elle va à un mariage à Reims. « J’ai rencontré mon mec, frère de la mariée. Nos mères, amies de jeunesse, avaient rêvé que leurs futurs enfants se marieraient. » C’est Jean‑François, père de leurs deux enfants.
Ils repartent au Maroc, à cinq dans une deux‑chevaux. « Pendant un an, nous étions un peu parasites. » Jean‑François devient représentant. « Un tout petit salaire, mais nous pouvions vivre royalement. »
Ils rentrent à Paris pour son travail. Corinne va aux ateliers de danse africaine, dont ceux du célèbre Guem, « marocain noir, descendant d’esclaves nigériens ».
En 1992 ils louent puis achètent la maison à Vauxtin. Corinne fait de la danse avec les handicapés des Papillons Blancs. Elle intervient un peu partout, puis fond Lez’Arts d’Aisne.
 « Je veux faire connaître la culture africaine, dont la danse, avec sa musique qui rythme le cœur, et permet de décoller de son corps. »
Elle l’adapte au contexte. « Mes élèves ne seront pas des danseuses africaines, elles en apprennent le langage. » La danse en Afrique, et la danse africaine, sont deux choses.
L’Union

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