Devant la
salle cossue et conviviale du Petit Bouffon, un acteur raconte l’histoire
terrifiante d’animaux de ferme, las de trimer sous la dictature de Mister
Jones, et qui se révoltent pour faire une société dans laquelle « tous les
animaux sont égaux ». La lutte est sanglante. Après un élan de liberté,
les cochons prennent progressivement le pouvoir, utilisant la terreur comme
outil de gouvernement. Napoléon le porc finit par adopter la posture et les
habitudes des humains chassés, sa dictature plus implacable que celle qui avait
été renversée. Le slogan égalitaire reste peint sur le pignon de la grange,
sauf qu’une main y a ajouté « mais certains animaux sont plus égaux que
les autres ».
Cette fable animalière de George Orwell, publiée en 1945,
traduit l’histoire de la Révolution russe, et l’avènement du stalinisme
triomphant.
Pour dire cette tragédie, Gilbert Ponté déploie un
investissement physique dont la générosité comique subjugue. Dans ses gestes et
par sa voix, il devient Ben, le vieil âne fourbu, Lubie la jument qui ne pense
qu’à retrouver des rubans pour sa crinière, le petit coq porte‑parole à la
loyauté terrorisée, et le cheval de trait, dont l’enthousiasme entier pour la
cause ne le sauve pas de l’abattoir une fois sa force épuisée.
Cinquante ans après la mort de Staline, le conte cogne
encore. La liberté dont Eluard écrivait le nom reste une notion incertaine,
surtout quand elle est proclamée par les pouvoirs en place.
L’Union
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