A
six ans, Denis Lefèvre était fasciné par Joseph Kessel et Albert Londres à la
radio, et disait « Un jour je serai grand reporter comme eux. »
Il ne l’est pas devenu, mais la force de cette vision l’a guidé dans ses choix
pour devenir écrivain.
Né en 1955, il grandit sur une ferme à Breny, près
d’Oulchy-le-Château. De son milieu catholique il dit avoir gardé une confiance « un
peu boy scout » en la gentillesse des gens, qui l’a mal préparé pour le
rude monde de l’édition.
Après son bac, il entre dans une école supérieure
d’agriculture à Paris, et commence une carrière d’agronome, jusqu’à s’occuper
de l’élevage à la Chambre d’agriculture de l’Aisne. Devenu écrivain
nécessairement seul, il garde un bon souvenir des relations de travail.
L’idée du journalisme le reprend. Après une école de
communication à Angers, il envoie son CV partout. Il remplace une journaliste
de « La Croix » partie en congé de maternité, puis devient rédacteur
en chef d’une revue des industries agroalimentaires, et de « Agriculture
magazine ».
Il veut écrire un livre, et devient pigiste pour en avoir
le temps. « Le retour des paysans », qui reçoit un accueil dithyrambique,
démontre que l’agriculture, même si elle est marginale, pose toutes les grandes
questions de société. Suivent une dizaine de livres, dont une histoire des
communautés d’Emmaüs. Son dernier projet, « Des racines et des
gènes », est une somme de ses recherches, allant du néolithique, époque du
début des civilisations, des guerres et des inégalités, à la mondialisation et
le réchauffement planétaire. « Je suis paysan dans l’âme » :
il explique ainsi ses préoccupations.
Depuis un stage à Bruxelles, son autre passion est
l’Europe : « un empire qui se crée sans faire la guerre ».
En 1981 il établit un jumelage entre le canton d’Oulchy et un canton allemand, avec
une idée simple : faire se rencontrer les citoyens de deux pays.
Sa conversation reflète sa démarche de journaliste, qui
enquête plutôt que de redire des informations déjà formatées. Il se considère
journaliste, pas écrivain. « Je m’occupe des faits, non pas
d’imagination. » En doutant constamment de la valeur de ce qu’il produit,
il évite l’écriture routinière, protège sa voix d’auteur.
Denis Lefèvre habite une maison tout en bois, derrière la
ferme familiale à Breny. Il vit seul. Ce n’est pas un choix, dit-il. L’écriture
est un travail solitaire, qui tend à isoler un auteur. Les éditeurs ne choient
que les écrivains vedettes, et comment entretenir une famille avec de maigres
droits d’auteur ?
« Je vois mal
l’avenir » admet-il, déçu par la dérive des idéaux fondateurs de
l’Europe, et troublé par une mondialisation « qui a tout cassé ».
Au moins, il admet « qu’un livre est comme un grand reportage ».
Modifié par la réalité, voilà le rêve qui se réalise.
L’Union
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