Dominique
Natanson est juif. Plus précisément, il est fils d’un Juif d’origine roumaine
converti au catholicisme et d’une mère non-juive, et porte le prénom d’un saint
catholique. Il affirme pourtant son appartenance. « Je suis juif à
cause de la tragédie d’Auschwitz. Les miens y ont péri. »
Dans sa maison, où les livres prennent de la place, sur
les étagères comme dans les esprits, il évoque le passé familial. Son père
était caché pendant la guerre dans un couvent dominicain – d’où le prénom du
fils – et sa tante Myriam déportée à Auschwitz à treize ans.
Le devoir de « ne jamais être du côté des
bourreaux » guide ses multiples combats. Il défend les sans- papiers,
et il est « parrain républicain » d’un jeune gitan. « Je
n’aime pas les frontières. » Il milite politiquement dans la Ligue
Communiste Révolutionnaire, choisie « parce qu’elle n’est pas sectaire,
travaille avec les mouvements sociaux, les Verts, les féministes, les
écologistes. » Il est militant pédagogique, participant aux
« Cahiers pédagogiques », où chaque texte est un constat lumineux de
la beauté et de la dignité des élèves. Enfin, il lutte pour les droits des
Palestiniens.
Dominique naît à Cherbourg et grandit au Havre, pays de
sa mère. Il rencontre sa femme, Anne-Marie, lors de leurs études à Rouen. En
1974 ils choisissent Soissons, pour sa bibliothèque, dont elle sera
conservateur, et « pour ne pas être trop loin de la mer » – ce
qui n’est le cas que sur une carte. Il devient professeur d’histoire-géographie
au collège de Cuffies, dans une équipe pédagogique novatrice. Depuis trois ans
il est au Lycée Nerval.
Plutôt que des Juifs pour lesquels Israël est le rêve
devenu réalité, il se sent proche de la diaspora internationaliste.
Israël ? Il n’y est pas allé. « Avant d’être reconnu, il faut
qu’Israël se reconnaisse. D’abord, jusqu’où veut-il s’étendre ? »
Il n’est pas religieux : « Difficile de l’être après Auschwitz. »
« Mon père était silencieux sur la guerre, et ma
mère le protégeait contre les questions. Je suis devenu professeur d’histoire
pour répondre à ce silence, sa blessure secrète. » Il s’efforce,
souvent avec ses élèves, de découvrir et consigner le sort des Juifs de
Soissons dans la guerre. « Je ne suis pas historien » dit-il,
car il cherche, non pas dans les archives, mais dans la mémoire de ceux qui veulent
témoigner. Il en résulte des livres, et un site internet* qui fait « l’éducation
à la Shoah ».
Ses engagements ne garantissent pas une vie tranquille.
« J’ai eu des menaces par téléphone la nuit. Ma voiture retournée. Des
croix gammées. »
Dominique Natanson a un
discours érudit, mais spontané. Sa voix est légèrement brouillée, comme un
signe que toute parole est un effort pour vaincre les silences qui nous
entourent, surtout celui qui voile la vérité.
L’Union
* www.memoire-juive.org
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires seront vus avant d'être affichés.