Converser avec Joëlle ne veut pas dire échanger des phrases déjà pensées. C'est faire du chemin ensemble. Elle prend des risques, hésite puis se confie. «Je ne l'avais jamais dit comme cela », s'étonne-t-elle.
Joëlle naît à Soissons, fille d'ouvrier - « Mon père travaillait à l'usine, ma mère faisait des ménages ». Après son BEPC, elle voulait faire les Beaux Arts. « C'est pas un métier, m'ont dit mes parents, et on m'a fichue secrétaire ! » Elle commence dans un négoce de matériaux de construction, y fait carrière.
Mais en visite scolaire dans la Sarthe à
dix ans, elle avait vu travailler un potier, et l'envie de faire comme lui
ne l'avait plus quittée.
Jeune fille, elle écrit des poèmes, des textes. En se
mariant, elle ne trouve pas d'écho à cette activité et, pendant les années de son couple, avec la naissance de deux filles, elle met cette partie d'elle-même
entre parenthèses. Au moment du divorce
l'envie la reprend. En 1995 elle suit
un stage de créateur d'entreprise, en
1998 obtient un CAP de tourneur.
Suivent ses derniers mois d'emploi.
Alors qu'elle trépigne d'impatience, Joëlle tient à faire son
travail au mieux. « II faut que chaque journée soit bonne », se dit-elle en se levant. Enfin
elle est libre pour la poterie. Une association
fournit un cadre pour son travail de
céramiste et ses cours de poterie.
Reconnue pour son efficacité professionnelle, précise dans ses gestes,
exacte dans sa parole, Joëlle a quand même choisi une voie caractérisée par
l'approximation. Le feu du four, petit cousin de celui qui brûle sous nos
pieds, décide de la couleur exacte et même de la survie de chaque pièce. Malgré
ses expérimentations continuelles, elle n'est jamais sûre du résultat, mais
prend les échecs comme une leçon.
Répondant à la demande d'un ami peintre, elle s'est récemment détournée
de la poterie « utilitaire » et a fait des sculptures pour une exposition. D'artisan,
elle est passée artiste. L'aspect anecdotique de sa poterie, les jolis arrondis,
les petits dessins, a disparu. Ses pièces émergent d'une base large et se
dépouillent en montant, pour dire l'essentiel à l'apex.
Joëlle Moutarde est habitée par son art au point de n'avoir plus de
place pour le reste. « Avant, je bricolais, je faisais des conserves, je
jardinais. Maintenant, je n'ai pas le temps. » Son objectif est de «
vivre de cette activité, non plus couvrir seulement mes frais. » Visée
purement commerciale ? Plutôt le désir de voir la réalité quotidienne porter
son art, cette quête du sens intérieur de la réalité.
L'Union
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