Affiche de 1956 |
Un orgue est la voix d’une église. Il fait partie de sa
matière. Les humains, avec leurs paroles et leurs chants, entrent et sortent,
mais l’orgue est à poste fixe, comme les piliers, les voûtes, les chapelles.
Cependant, il est fragile comme une voix humaine, et demande des soins
constants pour résister aux agressions de son environnement immédiat, chocs
thermiques, rongeurs, humidité.
Les orgues de Soissons ont eu
une histoire complexe jusqu’à la Grande guerre, notamment avec le transfert de
l’instrument de Saint Jean des Vignes après 1792. A partir de septembre 1914,
les troupes ennemies sur les hauteurs de Pasly bombardaient la ville de
Soissons, et des obus ont endommagé la cathédrale. Pour la Toussaint de cette
année-là, l’orgue a pu encore être joué tant bien que mal, mais bientôt il
était mis hors d’usage par d’autres obus. La voix s’est tue, pour longtemps. « La
grande pitié de Soissons ! » disait-on. Après la lente résurrection de
la cathédrale, se terminant en 1937, il était temps de penser à de nouveaux
orgues. Mais la guerre a éclaté à nouveau, et les corps et esprits étaient
occupés ailleurs.
Après la guerre, sous
l’impulsion du Chanoine Henri Doyen, organiste et compositeur, et des Amis des
Orgues de Soissons, les démarches ont recommencé. En 1952 le facteur d’orgue
Victor Gonzalez a été choisi, et les travaux ont commencé. L’instrument serait
un modèle « néo-classique » comme ils se faisaient à cette époque,
entre orgue de concert et orgue symphonique, idéal pour la musique romantique,
comme ceux de Limoges et de Beauvais.
Un témoin se souvient avoir
tourné les pages pour Henri Doyen lorsque, à Noël 1954, il a réussi à jouer sur
la moitié de l’instrument déjà installé. L’inauguration a eu lieu le 6 mai
1956, avec le faste et le protocole qui caractérisaient encore l’époque. Marcel
Dupré est venu jouer. Le travail de Gonzalez, mort peu de temps avant, avait dû
être terminé par un neveu.
Dimanche prochain, les cinquante
ans des orgues seront fêtés. Un demi-siècle est bref par rapport à l’âge de la
cathédrale, mais il marque la lente cicatrisation de cette grande blessure
qu’était la guerre 14-18 dans nos pays. Le matin, il y aura une messe chantée avec
les deux titulaires, Vincent Dubois aux grands orgues, Isabelle Fontaine à
l’orgue de chœur. Après ce culte du matin, l’après-midi ce sera la culture, un
récital par Isabelle Fontaine, dans lequel elle entend montrer la diversité du
répertoire pour ces orgues. « C’est quand même impressionnant » elle
admet, à l’idée de participer ainsi au cinquantenaire, elle qui est née vingt
ans après l’inauguration. Elle fera entendre cette voix qui, à pleine
puissance, paraît émerger des pierres mêmes de la cathédrale.
L’Union
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