Le jour où, au plaisir de posséder un objet se joint celui
d’en accumuler d’autres du même genre, timbres poste, porcelaine de Sèvres, ou
des Picasso, un propriétaire devient un collectionneur. Ainsi, Françoise Camus-Deharbe
a une collection d’une dizaine de milliers d’étiquettes de camembert.
Elle avait commencé collégienne,
en mettant de côté des images sur des boîtes qui lui plaisaient. Des amis se
sont empressés de lui en fournir d’autres. Tout restait entassé dans des
cartons. Puis, en regardant la question de plus près, elle s’est trouvée faire
partie du monde des « tyrosémiophiles », c'est-à-dire amateurs
d’images fromagères : 250 membres dans son groupe, trois milliers en tout.
Elle a rangé ses trésors dans de grands albums, et enchérit maintenant sur
e-Bay pour acquérir des exemplaires rares.
Quelques centaines sont exposées à
la Bibliothèque municipale. Françoise classe ses étiquettes, non pas par code
de fromagerie, ce qui serait plus érudit, mais par thèmes. Des personnages
historiques, des fleurs, des monuments, des costumes régionaux, des moines
créent autant de petits mondes naïfs sous de grands cadres. Ici, pas de place
pour la tristesse : tout est résolument positif, dans des couleurs vives,
parfois criardes. Il s’agit de vendre un produit, après tout, ce fameux
« calandos » concocté par Marie Hamel de Camembert à la fin du 18e
siècle, et devenu universel avec l’industrialisation des procédés et le
transport plus facile. C’est donc de « l’art éphémère », mais de
l’art quand même, par la distance que met l’artiste entre la réalité et son
sujet.
Il est permis d’avoir ses
étiquettes préférées, comme celle où un moine appliqué trépigne en tirant sur une
grosse corde pour sonner la cloche. Par moments, l’envie peu avouable peut
prendre le visiteur de l’exposition de se rendre aussitôt chez un bon épicier, prendre
un camembert, enlever le couvercle et enfoncer légèrement le doigt dans la
pâte. Sec, à point, onctueux, coulant, selon les goûts ? Seulement, dorénavant
nous regarderons l’étiquette sur la boîte.
L’Union
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