22/11/2006

Madeleine Sicard : un regard sur le monde


Lorsque son mari, navré, regardait les chiffres affichés au réveil et disait « Je ne comprends pas ce qu’ils veulent dire », Madeleine Sicard a vu un signe de plus de la lente dévastation de son esprit par la maladie d’Alzheimer. Veuve maintenant depuis un an, elle revient longuement sur cette expérience comme sur tout ce qui l’a précédée.
Son récit, depuis le départ de l’arrière-grand-père Hess de l’Alsace après la guerre franco-prusse, est comme une de ces sagas familiales qui s’empruntent à la bibliothèque, plein de personnages, chacun dépeint dans sa réalité, avec affection et humour. Elle fait revivre par ses paroles une société disparue, ses règles, ses activités, ses bouleversements.
Madeleine naît dans les Ardennes, où ses parents tentent de réussir comme agriculteurs. A deux ans elle est à Soissons, où son père prend un poste à la Mutualité agricole. Leur train de vie, sans être parcimonieux, est austère – pas de vêtements rouges, par exemple, en cas d’un soudain deuil…
Elle va à l’école de l’Enfant Jésus, mais ses parents s’aperçoivent de la piètre qualité de l’enseignement dans le nouveau cycle secondaire, et l’envoient à Reims. Trop tard. : « J’ai loupé mon bac. » Après quelques mois de formation intensive, elle rejoint son père comme secrétaire de direction.
Elle fait la connaissance de Maurice Sicard à un mariage. Elle est « cavalière » de la mariée, lui « cavalier », une façon reconnue de faire rencontrer les jeunes gens de bonne famille. Il la courtise, ils se marient, ont cinq enfants. En 1957 Maurice crée sa propre entreprise industrielle. Les premières années sont rudes, mais il persévère jusqu’à réussir – avec Madeleine comme secrétaire sans salaire.
En 1998, en vacances au bord de la mer, elle entend Maurice dire « deux ou trois idioties », prémices de sa détérioration progressive. « Je l’épiais jour et nuit. » Elle le garde chez lui jusqu’à ce qu’il se mette à crier pendant trois jours ; il est hospitalisé, et meurt quelques jours plus tard, en novembre 2005.
Après ce long écrasement, Madeleine pense à reprendre ses nombreuses activités – elle avait même été conseillère municipale. Mais elle se décide à faire autre chose, en agissant pour les personnes concernées par l’Alzheimer, et créer un groupe d’échange et de soutien pour les « aidants ».
Madeleine Sicard-Hess dit souvent l’importance qu’a eue la foi dans sa famille. La religion y paraît comme un langage que chacun a appris et parlé, d’une génération à la suivante, une certitude qui n’est jamais suffisante ni intolérante, mais qui rend inébranlablement positif son regard sur le monde. La beauté de la terre, l’amour de la famille, la responsabilité que porte chacun pour les autres, voilà ses bases pour agir.
L’Union

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