« Vous êtes deux cents
cinquante ; nous sommes cinq ; ça fait deux cents cinquante-cinq. »
En accueillant ainsi son public au Mail, Sonia Cat Berro gomme la ligne de
démarcation entre la scène et la salle. C’est une constante du jazz, loin de
l’étiquette qui gouverne un concert de musique classique. Rappeler sa présence
en applaudissant, au milieu d’un quatuor à cordes, chaque exploit par un
musicien serait une incorrection de la part du public, une preuve de méconnaissance
de la partition. Pour les amateurs de jazz, c’est une façon de participer. Le
jazz est moins policé, moins empesé. La spontanéité essentielle de la musique
est contagieuse.
A
part deux standards d’Irving Berlin, « Let yourself go » et
« Puttin’ on the Ritz », Sonia Cat Berro chante ses propres paroles,
sur la musique de Gilles Barikosky, saxophoniste du groupe. La ligne mélodique
sautille, glisse, traîne délicieusement, se presse. Sa voix est claire comme de
l’eau de roche qui coulerait sur les cailloux d’un ruisseau de montagne et
qu’accompagnent sur son cours le saxophone, et les autres instruments (même la
batterie, sous les baguettes d’un récent converti du rock). Cat Berro ne nous
fait pas sentir les affres de la situation humaine, comme les grandes
chanteuses de blues, mais l’accumulation de délicatesse, loin de lasser,
intensifie son effet. Ce jazz est la traduction en musique de la douceur,
parfois triste, de vivre, faisant ainsi partager la douceur de chanter.
L'Union
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