Une marionnette apparaît, formée
d’une vague chemise blanche que surmonte une tête sculptée, et tenue et mue par trois hommes en noir. Elle
scrute ses mains, saute nerveusement à chaque mouvement de ses manipulateurs, fixe
intensément les spectateurs que nous sommes. Etonnée de sa propre existence,
elle matérialise tout le mystère du théâtre, qui n’existe que dans le regard du
public. C’est le début de « Teatro Delusio », spectacle de la troupe
berlinoise Familie Flöz.
Le
trio de mimes met ensuite des masques pour jouer des techniciens qui gèrent les
coulisses d’un spectacle multiforme, dont nous voyons seul l’envers du décor.
Tour à tour tristes, maladroits, excédés, fantasques, hâbleurs, ils voient
passer la foule : musiciens, danseuses, chef d’orchestre, directeur de
théâtre, cantatrice – qu’incarnent les trois mêmes acteurs, se changeant à une
vitesse de prestidigitateurs.
Malgré
cette folle diversité, le museau allongé de tous les masques leur donne un air fureteur
commun. L’éloquence corporelle des acteurs est telle qu’on se surprend à
percevoir, sur ces visages de bois, des expressions changeantes. Regardons-nous
ce qui est, ou ce que cela évoque en nous ?
La
marionnette blanche revient de temps en temps, jetant son étrange regard sur
l’action, qui prend du coup un air de vaine agitation showbiz.
Des
élèves venus du lycée Nerval et du collège Saint Just, qui auraient pu juste
s’amuser d’un spectacle désopilant et touchant, se sont trouvés scotchés dans
leurs fauteuils par ce questionnement de la notion même de spectacle. Si la
scène se trouve cachée au fond du plateau, et les coulisses occupent le devant,
alors dans quel no-man’s-land théâtral nous trouvons-nous, spectateurs ?
L’Union
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