08/06/2007

Christophe Le Strat à l’école de la vie


Un corps puissant peut inspirer un sentiment soit de crainte soit de sécurité. La présence de Christophe Le Strat, capitaine de l’équipe A de rugby de l’ACS, est plutôt rassurante, surtout avec Mathias, son fils de neuf mois, sur les genoux. C’est différent sur le terrain. « Il faut faire peur à l’adversaire. » Un non-joueur s’imagine même que, plaqué par ce corps, il faudrait un pied de biche pour l’extraire du gazon.
Christophe a trente-six ans. Une absence l’accompagne depuis autant d’années. Son père est mort dans un accident de mobylette à sa naissance, et sa mère revient chez ses parents, ouvriers agricoles à Fontenoy. « Mon grand-père polonais m’a fourni la présence masculine – et ses gênes polonais. Pour ça je suis costaud. » Il le dit avec un demi-sourire typique.
Ecole à Fontenoy, collège à Vic, lycée technique à Soissons, BTS à Creil, et le voilà dessinateur industriel, gagnant sa vie pour pouvoir s’adonner au sport. « Il n’y a aucune prime de match, quoi qu’en pensent des gens. »
C’est avec son frère aîné, au collège, qu’il prend une licence pour jouer dans une nouvelle équipe de rugby, au dépit de sa mère, qui aurait préféré le foot, moins brutal à ses yeux. A quinze ans, il rejoint les minimes de l’Amical Club de Soissons. Sa taille le fait nommer « pilier ». « Cela a évolué depuis. Il faut maintenant savoir tout faire. »
Capitaine depuis cinq ans, il pense le rester encore une saison. « J’ai toujours envie de jouer. Mais physiquement, je le sens. Avant, après un match, j’étais remis le lendemain. Maintenant, j’ai mal partout pendant des jours. Et j’ai une famille. » Mais il ne veut pas tourner le dos aux jeunes qui montent.
« C’est une célébrité » explique sa femme Emilie. « On crie « Nounours ! Nounours ! », et les jeunes le regardent tout le temps. » Le demi-sourire revient. Aucune question sur le sport ne le déroute. Ses réponses sont simples mais réfléchies. Il décrit le rugby, sport de contact où les confrontations les plus fortes ne se poursuivent jamais dans les vestiaires, par rapport au foot, où les contacts sont des fautes, et la méchanceté, la contestation de l’arbitre sont fréquentes.
L’expression « école de la vie » est souvent appliquée au rugby. « Il apprend le respect, de soi et des autres, respect de l’arbitre, la cohésion d’équipe – et à perdre. » Cette morale qu’enseigne le rugby n’est pas accessoire : elle est nécessaire pour gagner. Utiliser sa force, sa vitesse, son acuité à bon escient, dans le respect de l’autre, le rugby l’apprend comme tactique de jeu, et toute la vie en est centrée et approfondie.
Qu’aime-t-il dans le rugby ? « C’est un défouloir. Cela me laisse plutôt calme et posé. » La lutte franche sur le terrain, la gentillesse dans la vie de tous les jours. La formule est subtile, ayant trait sûrement autant à sa personnalité, son caractère, son histoire familiale qu’au rugby.
L’Union

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