Ce qui
empêche Venise de n’être qu’un concentré du pittoresque, c’est son étrangeté. Celle-ci
met toujours une distance entre l’admiration et l’émotion que suscite la ville.
Dans « Splendeurs de Venise » à la bibliothèque, la photographe Marie-Thérèse
Lefèvre a choisi de placer les monuments, les canaux et les palais dans la
profondeur d’un paysage. Le fond ajoute son silence à la splendeur de l’avant
plan.
Anne-Marie
Natanson a cherché, sur les étagères et dans ses souvenirs de grande lectrice,
des textes, souvent sombres, inspirés aux auteurs par Venise. Ce ne sont jamais
seulement des légendes des photos. Ils y renvoient le visiteur, le regard
concentré, ou changé, ou dévié. Les images de Proust dépassent même les photos
qu’elles sous-titrent. Un extrait de Sartre met toute l’exposition en
question : « La vraie Venise, où que vous soyez, vous la trouverez
ailleurs. (..) Venise là où je ne suis pas. » Son texte accompagne la photo
d’une rangée de filets qui sèchent ou attendent la marée, du chiffre
« 8 » sur un poteau, de deux bateaux amarrés et, au loin, une bande
de terre presque rurale, qui pourrait se trouver aux Pays Bas, autre lieu où la
terre vit en bonne intelligence avec l’eau. Nous sommes loin de la carte
postale vénitienne.
« Fragile
statue de l’instant sur son socle d’éternité » : ce vers d’un poème
de Daniel Lefèvre, écrit pour accompagner une image de gondoles et d’écume,
pourrait définir tout l’art de la photographie, et notamment celle de sa femme
Marie-Thérèse.
L’Union
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