Lucette Vattepin naît à
Chacrise, mais le quitte toute petite pour Paris, lorsque son père, Louis
Laviolette, obligé de changer de métier, y devient policier au début de la
guerre. Elle n’est jamais revenue vivre dans la vallée de la Crise, mais a
toujours voulu maintenir ses liens avec son pays de naissance, là où ses
racines familiales sont plusieurs fois centenaires.
Pendant
les sombres années, son père y vient régulièrement en vélo chercher des
provisions pour sa famille. La guerre finit. « Nous passions toutes nos
vacances à Chacrise » explique Lucette. Elle se marie à Paris et y
travaille dans les assurances. En 1968, le service de l’Institut français du
pétrole de son mari Guy est transféré – on dirait maintenant
« délocalisé » – à Lyon, et ils s’y établissent. Leurs enfants y
grandissent, puis s’installent encore plus au Sud. L’éloignement s’accroît, mais
Lucette et Guy reviennent constamment dans sa vallée.
La mort de son père, retraité à Belleu, et de ses
deux tantes, retraitées à Chacrise, les prive de repères familiaux, et aurait
pu mettre fin aux retours. Mais les liens restent tout aussi puissants. Ce sera
dorénavant l’hôtel, comme pour les touristes.
Le père de Lucette avait décidé un jour d’écrire
ses souvenirs, depuis le moment où, à sept ans en 1917, il a vu arriver l’armée
allemande à Chacrise (voir l’Union du 2 juin 07). Ce sens de l’importance du
passé pour le présent est partagé par Lucette, et elle se met à étudier
l’histoire de sa famille.
Les liens de famille ont toujours été consignés par
les grands du monde, pour retracer la transmission des pouvoirs et des fortunes.
Le nouveau désir plus général de savoir, non pas d’où mais de qui on vient,
procède d’un sens accru de la personne, unique mais reliée par le sang et les
relations d’amour à un éventail d’autres individus, toujours plus large dans
les générations en amont et en aval.
Lucette est membre du Cercle généalogique à
Soissons, et y a appris à faire des recherches, à remonter une histoire. Avec
Guy, elle visite les mairies qui n’ont pas transmis leurs registres aux
archives départementales. « Il y a aussi beaucoup à apprendre par les
contrats de mariage. Avant, il y en avait toujours, même quand il y avait trois
fois rien à noter. Puis il y a les notaires. Mais pour cela il faudrait rester
ici des semaines. » Elle remonte jusqu’au 17e siècle, découvrant un enracinement
remarquable dans les terroirs. « Une branche est restée à Droizy
pendant deux cents ans. »
La recherche généalogique peut s’expliquer par le
plaisir d’accumuler des données, le goût des mots croisés familiaux, la quête
de fondements solides. Et pour Lucette Vattepin ? « C’est pour ne
pas couper mes relations avec ici. » Un prétexte en or pour poursuivre
ses retours vers la Crise.
L’Union
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