En clown
du Bout du Nez, Marylou scrute la cuillère à café. A quoi ça peut bien
servir ? A se regarder comme dans une glace ? Le visage apparaît en
balle de ping‑pong. Se curer l’oreille ? Trop grande. Se peigner ?
C’est pas une fourchette, voyons. Ou, alors…pour touiller son café ? Ca
alors ! Génia‑a‑a‑a‑l. !
En Marylou Dabois, elle explique. « Pour un
clown, tout est toujours nouveau, tout est découverte. »
Née dans les Ardennes belges,
d’un père professeur de français et d’une mère d’origine juive espagnole, à
deux ans elle prend ses affaires et ses parents, et ils s’installent à Huy,
entre Namur et Liège. C’est le premier de ses perpétuels
« voyagements » en Belgique, à travers la France, ailleurs.
« J’ai mal vécu l’école, je refusais l’autorité.
J’ai même été interne chez les bonnes sœurs, mais on m’a renvoyée pour
indiscipline. »
A vingt ans elle quitte son athénée (lycée belge) pour
une année sabbatique spectaculaire. Elle se marie et, financé par les cadeaux
de mariage, le couple voyage autour de l’Amérique du Sud. « Avant,
j’aimais pas les gens, j’aimais que les animaux. Je suis revenue transformée. »
Chaque panne de bus, ou attente interminable de train, source de frustration en
Belgique pressée, se trouve être une occasion de rencontre, de partage.
Au retour, elle hésite entre l’ethnologie et
l’anthropologie, puis part faire la cueillette en France « J’aime les
choses concrètes » dit‑elle, et c’est à cause de son intérêt pour
l’agriculture biodynamique, qui régénère le sol, la médecine homéopathique qui
aide le corps à se défendre, et une éducation qui nourrit la créativité,
qu’elle s’approche du mouvement philosophique fondé par Rudolf Steiner.
Suivent d’autres déplacements, et un retour à Huy pour
travailler dans une prison « à gérer les demandes de sortie, les
permissions, le beau rôle »). En 1992 elle rejoint une équipe qui
accueille de jeunes toxicomanes sur deux fermes dans l’Allier.
Elle fait un premier stage de clown en 1995. « J’ai
vu alors combien le nez rouge, le plus petit masque du monde, est libérateur. »
La quête de « son » clown intérieur est guidée par Gilles Padié,
comédien devenu clown d’accompagnement à l’hôpital.
Un clown ne prépare rien, surfe sur l’instantané du
patient, toutes antennes sorties, vulnérable. Plutôt que de
« jouer », il est joueur. « Il fait entrer le jeu dans
l’échange, laisse fleurir ce qu’il sent. » Les patients sont sensible
à cette authenticité, habitée par l’humour (« Vous avez perdu du
poids ? – mais où ? – tiens, on va chercher sous le lit. »)
Marylou habite Chivres Val, avec deux de ses trois
enfants. Mais elle est déjà sur le départ vers le Sud‑Ouest, pour travailler
avec Gilles. Où sont ses racines ? « Je m’attache aux gens, pas
aux lieux. »
L’Union
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires seront vus avant d'être affichés.