21/07/2007

Aase et Jørgen Dalager révèlent une autre face de la guerre

« Un beau jour de mai, 1918,(…) de bon matin, un sergent (…) est venu dire à ma mère « Partez le plus vite possible, les allemands ont passé l’Aisne à Soissons ce matin et pourraient être ici ce soir. »
C’est Louis Laviolette, huit ans à l’époque, qui raconte ce départ précipité de Chacrise dans ses mémoires (voir Un témoignage sur 1917 : entre la mémoire et l'histoire du 2 juin 2007). De tels exodes font partie de la mémoire collective locale. A présent, un couple de Danois, Aase et Jørgen Dalager, venu dans la vallée de la Crise suivre l’itinéraire du grand-père d’Aase, révèle l’autre face de cette image du village vidé de ses habitants et attendant l’ennemi.      
Peter Maersk, qui travaillait au service du courrier dans l’armée allemande, et qui avait attrapé le typhus plus tôt en Russie, est arrivé à Nampteuil et Chacrise en juin, à la suite des troupes d’attaque.
Danois, il était enrôlé malgré lui par les Allemands. En 1864, l’Allemagne avait annexé la partie sud du Danemark où il est né en 1892 et, comme en Alsace et Lorraine, les habitants étaient astreints au service militaire. En 1920 la région a été rendu au Danemark.
Peter raconte sa vie quotidienne de militaire dans sept mille cartes et lettres écrites à ses parents et à sa fiancée Trine. Sa famille a fait don des originaux à la Bibliothèque royale de Copenhague, mais les a transcrites dans une trentaine de volumes. Aase et Jørgen ont apporté au gîte de Chacrise ceux qui seront utiles pour visiter les lieux dont il parle, de Laon à la Marne. Aase, professeur de biologie, et son mari, inspecteur scolaire dévoué à l’histoire de Peter, ont attendu la retraite pour faire enfin ce voyage unique de reconnaissance.
 « Cétait un survivant » selon Aase, « plus concerné par les personnes que par la politique. » Suspect à cause de ses origines, il a quand même gagné la Croix de Fer. « Il faisait beaucoup pour ses amis. C’était le fils adoré de la famille. »
Ses lettres ne traitent guère des gloires ni des horreurs de la guerre. « J’ai un vrai lit cette nuit » jubile-t-il. A Chacrise, il note que « les pauvres gens on tout laissé pour se sauver. Les maisons sont détruites, et tu peux tout trouver. J’ai deux draps de lit. En veux-tu ? » Il s’enquiert aussi de la bonne arrivée de cuillers à café.
En permission en 1917, il épouse sa Trine, déjà enceinte d’Anna, la mère d’Aase. Après l’avancée de 1918, voyant venir la fin de la guerre, il profite d’une autre permission pour se cacher. Il meurt en 1976. « Il ne parlait pas de la guerre » se rappelle Aase.
En visitant notre région, Aase et Jørgen sont surtout conscients du passage, loin dans le temps, de cet ancêtre pris dans un conflit qui, au fond, ne le concernait pas. Aase explique son sentiment sur un pont à travers la Marne : « Je me disais que mon grand-père est passé sur ce pont. » Sous le poids de l’histoire, familiale et mondiale, les paysages ne sont guère de jolies cartes postales à admirer. A ce niveau d’implication, le tourisme devient pèlerinage.
L’Union

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