27/06/2013

Deux créations soissonnaises au festival d’Avignon

« La dispute » en répétition au Mail en 2010 :
 Fabrice Cals derrière Anne de Rocquigny
 avec Nathalie Yanoz .
Soissons sera représentée à Avignon cette année par « Les hirondelles de Kaboul », spectacle de Nomades déjà vu au Mail en février dernier, dans le cadre de la Semaine de création théâtrale.
Deux grandes marionnettes sont des habitants
de Kaboul, dans le spectacle de Nomades au Mail.
    Mais un autre spectacle choisi par le Conseil régional pour le festival est autant soissonnais. « La dispute » de Marivaux, présenté par la compagnie Arcade de Gauchy, avait été créé pendant sa résidence à Soissons. Mise en scène, décor, éclairage, tout était monté dans la grande salle, et la pièce y a eu sa première en décembre 2010. La fin de la résidence – prématurée pour beaucoup d’amateurs de théâtre – ne change rien aux racines soissonnaises du spectacle.
L'Union

21/06/2013

Pascal Giordano danse avec les arbres

 Pascal Giordano danse dans les jardins de Droizy.
Un danseur ne danse pas dans un vide, mais dans l’espace qui l’entoure. En 2010, nous avons vu « Chant à la liberté sauvage » de Pascal Giordano dans la salle des fêtes au sous-sol du Mail. Pour « Jardins en scène » il a refait son solo au donjon de Droizy. L’espace ici est fait de gazon, d’arbres, de pierre, du ciel bleu au-dessus.
    Rencontré la veille, il a parlé de la danse. « Ce matin dans le train j’ai répété, c'est-à-dire que j’ai écouté la musique et pris mes repères. » Le cadre modifiera la danse. « Je peux tenir compte de cet arbre-là. Une fois, une volée de canards est passée, et le public était surpris de voir que je les suivais à travers le ciel. » Adapte-t-il sa danse aux réactions du public ? Que faire si un spectateur s’endort ? « Je le laisse, en me disant qu’il y a peut-être quelque chose d’apaisant pour lui dans la danse. »
    Pascal Giordano parle de tout avec douceur. C’est comme si la pratique intense de la danse libérait le corps de toute l’agressivité qui parasite les hommes, en dégageant l’énergie qu’il faut pour danser. Le lendemain, en dansant, il réussit l’exploit de faire croire que tel geste surgit de son corps, et de ce qui est autour, non pas parce qu’il est chorégraphié ainsi. L’impression de routine est écartée de ses performances.
L'Union

19/06/2013

Un cirque pour les enfants de tous âges

Michel Gire en clown fait flotter une bulle de savon au dessus de sa tête.
Au pied de l’altier donjon de Droizy s’élevait, comme une copie en miniature et en bois multicolore, « le plus petit chapiteau du monde » selon Michel Gire, du cirque Zampano. Dans le cadre de « Jardins en scène », il jouait huit fois en deux jours « Le petit cercle éphémère », chaque fois devant une quarantaine de spectateurs, serrés sur deux rangs autour d’une piste d’un mètre de diamètre.
     En clown dépenaillé et lunaire, Michel Gire, secondé seulement par un chien et une poule restée spectatrice, prend le pari risqué de traiter tout le monde, de trois à soixante-seize ans, comme des enfants. Il ne met que quelques minutes pour le gagner. A sa demande, nous nous passons de main en main, avec grand soin et sans rire, un ouistiti « mille fois plus petit qu’une puce » - si petit qu’il est invisible.
     Ses tours sont d’une naïveté qui cache leur efficacité. Le cirque prend une tournure mirifique lorsqu’il fait flotter de grosses bulles de savon au dessus de nos têtes, protéiformes comme de l’ectoplasme, reflétant les rangées de petites ampoules du chapiteau. Un émerveillement enfantin nous prend. Regardez comme c’est beau, et étrange ! A la fin, il salue chaque spectateur partant, comme un vieil oncle qui a offert à ses petits-neveux et nièces une sortie… au cirque.
     Le spectacle est une version réduite de celui qui sera donné à « Soissons en sc’aisne » en septembre.
L'Union


Manessier vu par les scolaires

L’exposition au lycée Léonard-da-Vinci de lithographies d’Alfred Manessier a été visitée par de nombreux groupes scolaires soissonnais. Virginie Vancayseele, chargée du développement culturel au lycée, les accompagne trois jours par semaine. « Je reçois une vingtaine de groupes par jour. »
Virginie Vancayseele et Yannick Bezin, professeur référent
pour la galerie du lycée, devant la lithographie
 la plus appréciée des jeunes visiteurs.
    Elle les amène à s’interroger sur le sens des grands assemblages abstraits de couleurs et de formes. Trois œuvres illustrent l’engagement pacifiste de Manessier, et onze viennent d’une série sur Pâques, reflet de son engagement spirituel. Virginie expose sa démarche. « Je demande ce qu’ils voient, ce qu’évoque l’image pour eux. Puis j’explique l’utilisation et le sens des éléments. » Il arrive qu’on dise « Ma petite sœur peut faire autant. » Il faut alors aider à percevoir la longue et profonde réflexion qui sous-tend l’image, traduisant une vision de la guerre et de la foi. Des bandes de noir écrasent souvent les autres couleurs, signe de l’horreur que lui inspiraient la guerre et la Crucifixion. Soudain, les couleurs fleurissent dans « Le message de l’ange » et « Le jardin de Pâques ».
    Des ateliers pratiques complètent l’expérience de l’art abstrait, qui trouve ainsi sa place dans l’éducation de chaque élève, éveillant l’imagination et enrichissant la pensée.
    Il reste quelques jours pour voir cette exposition exceptionnelle. Ces lithographies font partie d’un don par la fille de Manessier au musée d’Abbeville. Virginie a elle-même obtenu l’autorisation de la directrice du musée de les exposer pour la première fois en dehors de la ville. Galerie du lycée jusqu’au 21 juin.
l'Union

18/06/2013

Buenos Aires à quatre mains

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« Prélude en Soissonnais » est une série annuelle de concerts, qui permettent aux professeurs du Conservatoire d’émerger des salles de classe et montrer leur trempe devant le public. Ils ont l’avantage, selon Philippe da Silva, directeur du Conservatoire, d’attirer à la fois les mélomanes fidèles, et la population dans chaque village du circuit.
    L’église de Septmonts était remplie pour le récital de Pascale Lam et Jaime de Hagen. A quatre mains sur un pian
o, ils ont joué « Para mi ciudad », suite de Jaime de Hagen inspirée par sa ville natale de Buenos Aires. Leur bonheur à jouer ensemble illuminait le récital.
    De mélodies planantes en échos de musique classique, d’airs de danse traînants en éléments de jazz, la partition reflète une grande culture musicale. Mais c’est clair : les auditeurs trouvaient leur jouissance surtout dans les rythmes qui se succédaient. Les ralentissements et accélérations syncopés du tango et de ses cousins argentins dérèglent  les sens comme la poésie rimbaldienne, et encouragent de petites inconséquences de raison et de cœur.
L'Union

15/06/2013

Un apprentissage de présence

Les spectacles de fin d’année offrent l’occasion à chaque participant, après des mois de travail, de se montrer en public. Un moment de trac, la représentation, des applaudissements, et c’est fini.
     L’atelier de théâtre du collège Saint-Just, animé par Philippe Chatton, avec l’intervention du metteur en scène Vincent Dussart, donne un autre sens au spectacle. La quinzaine d’apprentis comédiens jouent la pièce de Sylvain Levey, « Ô ciel que la procréation est plus aisée que l’éducation », quatre fois en deux jours. Ainsi, l’expérience cruciale de l’acteur, se laisser voir par les spectateurs, n’est plus un moment trépidant et excitant à passer, mais une fonction à assumer dans la durée. Que l’élève envisage ou non de faire carrière au théâtre, il fait un apprentissage de présence, d’affirmation de soi.
    La pièce concerne une famille, dysfonctionnelle comme un avion qui crashe : les baffes, en veux-tu en voilà ! Le partage des rôles entre plusieurs acteurs enrichit la pièce par la diversité des individus, qui maîtrisent en même temps la rapidité et la précision des échanges. La patte de Vincent Dussart, bien connu des Soissonnais par sa résidence au Mail, se voit dans les mouvements de scène, les attitudes. C’est un travail d’ensemble impressionnant pour de si jeunes acteurs.
L'Union

14/06/2013

La musique prend ses distances à la cathédrale

Le titre du concert à la cathédrale, « Musique des Lumières », se réfère aux compositeurs, Bach, Vivaldi, Telemann et Mozart, puisque tous écrivaient au « siècle des Lumières ». Mais sur un autre plan, la musique illumine la cathédrale, donne son sens à l’espace.
Don Ignace, Emilie Tafoiry, Nicolas
Tafoiry et Don David après leur récital.
    Quatre musiciens amateurs, l’organiste Nicolas Tafoiry, par ailleurs secrétaire de l’Evêque, la soprano Emilie Tafoiry, et deux membres du clergé, David Gilbert au hautbois et Ignace Duchatel au violoncelle, ont porté ce récital. Il était organisé au profit de « l’Arche » et de ses lieux de vie pour les personnes handicapées mentalement. A l’entracte, un accompagnant et trois résidants se sont adressés au public.
    Les musiciens jouaient dans le chœur, les éloignant du public assis autour de l’autel et dans la nef. Cette distance enlevait l’intimité entre musiciens et auditeurs, et l’altière acoustique grignotait le son, surtout du violoncelle, mais la musique en prenait un ton aérien, d’accompagnement de méditation.
    Contrastant avec la musique de chambre, les grandes formations, au sujet desquelles le clergé paraît avoir des réticences, remplissent tout l’espace sonore, comme si la musique émergeait des pierres, emportant les auditeurs dans un dépassement de l’individuel.
L'Union

Changer le regard

La Bibliothèque expose à nouveau les travaux des ateliers d’écriture animés à l’hôpital de Soissons par Lucien Rosenblat. Dans le cadre de la convention « Culture-santé, il parcourt les unités d’alcoologie, de soins palliatifs, de soins de longue durée, de soins de suite et réadaptation, d’Alzheimer, et le pôle de prévention. Devant des représentants de la Ville, de l’hôpital et de la bibliothèque, Lucien Rosenblat explique sa démarche.
    Il se met à la disposition de chaque patient, discute de tout et de rien, jusqu’à sentir que la parole s’éveille, que le patient touche à quelque chose qui compte pour lui. « Ce n’est pas le contenu qui compte, c’est la forme. » L’écrivain aide à la mettre en mots, mais « la forme vient du patient. » C’est comme si les mots employés comptaient moins que le fait, pour un patient, de les structurer, de créer un poème. Il devient poète.
    « L’objectif est de changer le regard sur le patient, sur le soin et sur la démarche artistique. » Car un créateur n’est plus un malade passif qui subit ses soins. Plus que cela, l’art n’est plus réservé à un milieu d’artistes : la maladie devient la porte d’accès à la création, et non pas une barrière.
     Certes, les lecteurs en route pour les rayonnages verront surtout les mots qui habillent ces « formes » :


           « C’est un temps gris comme une souris. Ah ! si j’étais un chat ! » (unité Alzheimer).

           « Dans les bras d’un enfant, même une peluche est vivante » (unité de soins palliatifs).

L'Union

11/06/2013

L’art abstrait du hip-hop

Farid Berki, derrière à gauche, avec ses six danseurs
Le chorégraphe hip-hop Farid Berki admet volontiers l’influence sur son travail du peintre Kandinsky. Ce maître de la fragmentation élimine toute représentation figurative, n’admet que « la nécessité intérieure » comme ordonnatrice d’un tableau.
    « Vaduz 2036 » présenté au Mail est un titre kandinskien pour une œuvre abstraite. Elle ne traduit ni sens ni émotion. Le seul sujet est l’humain en motion.
    Le ballet classique subordonne tout à la ligne du danseur, tête, corps et membres dans une relation presque liquide. Le hip-hop, au contraire, fracture sciemment les mouvements, les décortique presqu’avec insolence. Les membres se désarticulent, faisant de la danse une analyse en même temps qu’une fête du corps.
    « Vaduz 2036 » met en sourdine le côté spectaculaire du hip-hop. Un danseur fait tourner longuement son corps horizontal sur le pivot d’une main, exploit autant que les 32 fouettées, toujours applaudies, de l’acte II du « Lac des cygnes ». Mais il est derrière les autres, et à l’ombre. Rien ne doit amorcer la recherche d’une histoire. Farid Berki vise à susciter une méditation active sur le sens de la danse, rien de plus, rien de moins.
    Est-ce parce que la tournée de ce ballet se termine à Soissons qu’après la fin chaque danseur est venu au milieu donner son échantillon du hip-hop genre « Regarde-moi que je t’époustoufle ! » ? Un moment, ému, on aperçoit l’histoire de chacun.
L'Union

10/06/2013

De Buenos Aires à Septmonts

                        (Source : Hagen-Lam)
Jaime de Hagen et Pascale Lam, professeurs au conservatoire de Soissons, ont formé en 2111 « Duo mains croisées », pour jouer la musique de piano à quatre mains. Le répertoire étant limité, Jaime s’est mis au travail et a composé « Para mi ciudad » – « pour ma ville ». L’œuvre dépeint les quartiers emblématiques ou états d’esprit de Buenos Aires, sa ville natale et berceau du tango. Ses douze mouvements, qui vont du chant nostalgique au feu d’artifice polyrythmique, polythématique, laissent transparaître les rythmes parmi lesquels il a grandi. Même « Clin d’œil à JSB », en hommage à Bach, fait glisser un prélude et d’autres motifs vers des cadences tonitruantes.
   Le public pourra les entendre à Septmonts en juin, dans le double cadre de « Fêtons les Arts » et « Prélude en Soissonnais ».
L'Union

07/06/2013

L’artiste dans la Nature

François Réthoré avec un de ses
campements pour les habitants de la forêt.
La Nature est souvent mise en opposition à l’Art. Mais pour l’artiste François Réthoré, elle sert, pas seulement à l’inspirer, mais pour fournir ses matières premières. Il habite Pierrefonds, et la vaste forêt de Compiègne est derrière sa maison. Il y prend les feuilles, écorces, roseaux et brindilles qu’il assemble sur des plaques d’Isorel, en ajoutant du sable, du plâtre, de la peinture. Dans la salle Renaissance de Septponts, leurs riches textures éveillent une envie corporelle, comme dans la forêt même, de les poser par terre et les fouler pieds nus.
    Ses sculptures aussi sont faites de choses récupérées sous les arbres. Elles font penser à des maisons, non pas de poupées, mais de petites créatures sylvestres, qui les auraient évacuées le temps des passages humains. François Réthoré avait commencé par faire des « campements » dans la forêt, pour ses « habitants ». « Je les laissais ; une fois j’ai entretenu et développé un pendant un an, puis un jour plus rien : les bûcherons étaient passés. »
    Ces constructions contournent l’appréciation esthétique et font appel directement à l’imagination restée enfantine. Il en a construit trois dans l’arboretum derrière le donjon. En cherchant, l’explorateur en soupçonne même là où il n’en a pas fait, tel est le pouvoir d’une imagination alertée.
    L’exposition a duré deux jours, mais les campements resteront, le temps que leur laissent la pluie, le vent, les oiseaux et les écureuils.
L'Union

05/06/2013

Drôle de couple

Violoncelle et accordéon ! Et quoi encore ? Harpe et batterie, ou hautbois et synthétiseur ? Mais le celliste Henri Demarquette et l’accordéoniste Richard Galliano savaient ce qu’ils faisaient en s’associant pour un récital allant de Bach à Galliano. Chaque instrument met en exergue les qualités de l’autre, et le drôle de couple instrumental fait entendre différemment les morceaux joués. Même le trop connu air de la Suite en ré majeur de Bach prend une lumière originale qui éveille l’attention.
    Dans l’ensemble, le violoncelle s’encanaille plus que l’accordéon ne se donne des airs nobles. Les tangos de Piazzolla et de Galliano, autant que les Danses roumaines de Bartok, ont des rythmes qui mettent les sages battements du cœur entre parenthèses, et font basculer les auditeurs dans un domaine de pulsions rebelles à l’ordre, où l’émotion devient émoi.
    Est-ce pour cela que, pour terminer, les musiciens ont réussi à faire entonner « la Javanaise » de Gainsbourg par toute la salle, et a cappella ?
L'Union

Je t’aime, moi non plus

Bruno Blairet est Benedict, tonnant contre le mariage.
Parfois ça vaut vraiment la peine d’aller au théâtre ! Le spectateur se joint alors à un rite qui fête la nature humaine, ses joies, peurs, absurdités. « Beaucoup de bruit de rien » de Shakespeare, jouée au Mail, appartient à cette catégorie de spectacles. La mise en scène de Clément Poirée est infiniment souple, sans parti pris ni de style ni d’époque. Les comédiens sont généreux. Surtout, aucune des astuces ni trouvailles ne prend le pas sur le texte. Il est respecté à tout moment, et le mérite. Même en français, la langue de Shakespeare est scintillante d’esprit, d’inattendus, de vulgarité vivifiante et d’ironie.
    Béatrice et Benedict, qui commencent par se détester, sont un avatar de tous les couples ennemis, dont notamment le cinéma est friand, condamnés à finir amoureux. Au début, Béatrice porte des vêtements d’homme, et Benedict un kilt. Loin de brouiller les genres, ils accentuent la féminité de l’un, la virilité de l’autre. Une histoire d’amour, alors ? A peine : chacun, leurré par son entourage, se croit aimé de l’autre, c’est tout. Ces fortes personnalités se supporteront-elles ? Rien n’est moins sûr.
    L’ouverture de la scène est entourée d’un cadre noir et or. Encadre-t-il un tableau ? Plutôt un miroir. Le spectateur est invité à y voir le bruit qu’il fait lui-même autour des dévoiements de l’amour, c'est-à-dire pour rien.
L'Union

04/06/2013

Le hip-hop de retour au Mail

Les danseuses posent pour la photo dans le couloir des loges.
Le théâtre de Suresnes, par sa structure « Cités danse connexions », encourage la danse hip-hop, qui attire une nouvelle population au théâtre. Il s’agit pourtant moins de remplir la salle que de miner ce nouveau trésor de la danse, d’enrichir le répertoire de la danse contemporaine, en utilisant le vocabulaire du hip-hop pour créer un nouveau langage.
    Suresnes avait déjà envoyé le ballet hip-hop « Asphalte » à Soissons en 2012. Cette fois, sept danseuses ont présenté deux pièces. Dans « Elles » de Sylvain Groud, cinq d’entre utilisent des mouvements et même la parole, entre humour et gravité, mais avec une gouaille constante, pour montrer ce qui les fait danseuses.
    « Royaume uni » d’Angel Preljocaj met en scène quatre « reines », chacune avec son trône, chacune avec le style qui reflète sa personnalité. C’est en retirant son regard des gestes individuels que le spectateur unit l’ensemble qu’elles forment.
    Tout comme l’air paraît porter un danseur classique, ici les danseuses semblent parfois « dansées » de l’intérieur, malgré elles. La danse aime titiller les lois de la physique.
    Le spectacle, en tournée depuis un an, s’est terminé à Soissons. Et maintenant ? « Chacune partira vers de nouveaux projets » répond une responsable du théâtre de Suresnes, venue au Mail pour l’occasion. Le hip-hop n’a pas fini d’irriguer le ballet.
L'Union

Le piano extraordinaire

Dirk van Boxelaere et Fien van Herwegen
Cette année, « Jardins en scène » égrènera ses événements culturels, non plus sur une dizaine de jours mais sur cinq mois, dans des jardins picards, ces « fruits d’un subtil mélange entre la nature et l’imagination » selon Claude Gewerc. Le parc du château de Septmonts a ainsi accueilli un piano à queue, non seulement musical mais aussi acrobate. Il tourne, s’élève vers le ciel, s’ouvre, se ferme, salue même le public en fin de spectacle.
    Certes, deux artistes de cirque belges, Dirque et Fien, lui viennent en aide. Il est clown, acrobate, un peu illusionniste ; elle l’accompagne imperturbablement au piano, même à 90° au sol. « Le carrousel des moutons » abonde de trouvailles d’agilité et d’humour autour du piano. Monté comme sur un manège, il tourne, monte et descend, et Dirque s’y fait, ou ne s’y fait pas, en luttant pour fermer l’œil – d’où les moutons qu’il compte.
    Physiquement, le spectacle est tonique, et le public sur l’herbe l’a apprécié. La relation entre les artistes pouvait être développée, avec plus de folie, de connivence ou d’antagonisme. Des trois protagonistes, c’est le piano qui est le plus espiègle.
L'Union 

01/06/2013

Le magicien d’Auschwitz

Justine Barthélemy est la lycéenne
seule au monde avec son mobile.
A une époque où tant d’informations sont à portée d’un double-clic, le problème n’est pas un manque de connaissances, mais l’absence de réflexion, de réaction intellectuelle et même corporelle à ce qui s’apprend si facilement.
    « Les oubliés », pièce du Québécois Jean-Rock Gaudreault, prend l’exemple des camps de concentration allemands pour illustrer ce dilemme. Une lycéenne en voyage scolaire rate le car qui devait l’amener à Auschwitz. Seule avec son mobile, elle gère toutes les données du monde, sans admettre la réalité du passé dont elle est héritière. Elle est abordée par un panneau indicateur, une plaque rouillée et un vieux loup, un peu dans le style des personnages du « Magicien d’Oz » - auquel le metteur en scène Jérôme Wacquiez fait une référence directe. Ils l’obligent à prendre position par rapport à l’histoire et ses atrocités. Comment répondre du passé sans en être coupable ?
    La mise en scène athlétique a tenu l’attention du public scolaire au Mail. Le texte, cependant, est plus emphatique que celui, lumineux, de « Deux pas vers les étoiles » du même auteur, présenté au Mail en 2010 avec le même metteur en scène et les deux mêmes acteurs principaux, Christophe Brocheret et Justine Barthélemy. Le devoir de mémoire serait-il plus lourd à traiter que les rêves d’enfant ?
L'Union